« Nous devons penser et planifier une Europe unie comme si chaque jour il était possible de la créer immédiatement, rejetant la lassitude de ceux qui la renvoient toujours à demain. Le possible, s'il est vraiment possible, nous pouvons commencer à le réaliser aujourd'hui. »
Madame la Présidente Metsola, chère Roberta,
Monsieur le Président Macron, cher Emmanuel,
Monsieur le Premier ministre Costa, querido António,
chère Dubravka Šuica,
cher Guy Verhofstadt,
cher Ministre, Clément Beaune,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les Députés,
mais avant tout et surtout, chères Européenne, chers Européens,
En cette journée de l'Europe très particulière, je ne pouvais trouver meilleure introduction que ces mots d'Ursula Hirschmann. Pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, Ursula Hirschmann a été l'une des architectes et des bâtisseuses de l'Europe libre et unie d'aujourd'hui. Elle a résisté à la montée du nazisme à Berlin au début des années 1930 – elle a façonné l'avenir de l'Europe sur l'île de Ventotene dans les années 1940 – et elle a été l'une des pionnières des droits des femmes partout en Europe.
Le courage qu'elle a manifesté dans ses actes et ses convictions a contribué à faire de l'Europe ce qu'elle est aujourd'hui. Je voulais commence par évoquer sa personnalité parce que la réflexion sur l'avenir de notre Europe a toujours fait appel à la mémoire de son passé. Cette mémoire est d'autant plus importante à un moment où notre continent est de nouveau confronté à l'impensable. Les tentatives flagrantes de la Russie de redessiner les cartes et de réécrire même les épisodes les plus tragiques de notre histoire nous ont rappelé le danger qu'il y a à perdre la maîtrise tant de notre passé que de notre avenir. De vivre dans un perpétuel présent et de croire que les choses ne peuvent jamais évoluer. Qu'il ne peut exister de meilleures façons de faire les choses. Et, plus grave encore: que les choses resteront toujours inchangées, à condition que nous ne changions pas. On ne pourrait pas se tromper davantage! Rester immobile, c'est reculer.
Mais cette conférence nous a montré que les Européens sont déterminés à ne pas commettre cette erreur. Vous nous avez dit que vous voulez construire un avenir meilleur en honorant les promesses les plus persistantes du passé. Les promesses de paix et de prospérité, d'équité et de progrès; d'une Europe sociale et durable, bienveillante et audacieuse. Tout comme Ursula Hirschmann et tous ceux qui nous ont précédés.
Mesdames et Messieurs,
cette conférence s'est prononcée clairement. Et je suis ravie de vous voir si nombreux ici aujourd'hui. Par vos 49 propositions et plus de 300 mesures, vous avez tissé et élaboré la vision d'une Europe qui agit sur les aspects qui comptent le plus, qui contribue à améliorer le quotidien, qui ne limite pas son action à un seul lieu mais est à vos côtés lorsque vous en avez besoin. Sur les priorités quotidiennes — comme l'air que nous respirons et la nourriture que nous mangeons, l'éducation que nous donnons à nos enfants et les logements dans lesquels nous les aidons à grandir.
C'est la vision d'une Europe qui met en commun ses forces, ses capacités et sa diversité pour relever les plus grands défis — du changement climatique à la perte de la nature, en passant par les pandémies ou la sécurité dans notre région du monde. Une Europe dotée de capacités renforcées pour faire vivre et défendre ses valeurs et l'état de droit. Une Europe capable de subvenir à ses besoins dans les domaines vitaux, de l'énergie à l'alimentation, des matériaux aux médicaments, des puces numériques aux technologies vertes. Une Europe qui assure une protection et des avantages sociaux uniques tout au long de ces transitions majeures.
Mesdames et Messieurs,
je m'adresse à chacun d'entre vous qui avez participé à cette conférence: votre message a été bien reçu. Et maintenant, il est temps d'agir. C'est ce que j'avais promis lorsque je m'étais présentée comme candidate dans ce même hémicycle il y a deux ans et demi. Et ensemble, nous avons prouvé que nous pouvions le faire en nous appuyant uniquement sur les compétences existantes — même au beau milieu de la pandémie ou d'une guerre. Qu'il s'agisse d'acheter des milliards de vaccins pour l'ensemble des Européens et notre voisinage, ou de relancer l'économie après la pandémie grâce à NextGenerationEU. Qu'il s'agisse de définir une voie ambitieuse et juridiquement contraignante vers la neutralité climatique, ou de fixer les règles du jeu dans le monde numérique, ou d'aider les petites entreprises à conserver leur personnel pendant la pandémie.
Rien – non, rien de tout cela – n'était explicitement prévu dans les traités, mais c'était possible. Et nous l'avons fait ensemble – parce que les Européens comptaient sur une montée en puissance de leur Union. Dès le mois prochain, nous allons déterminer ce qui est nécessaire pour donner vie à vos propositions et y répondre le mieux possible. Dans certains domaines, vos propositions nous incitent à accélérer les travaux déjà en cours, par exemple sur le pacte vert pour l'Europe ou pour renforcer l'équité sociale. Cela suppose donc d'accélérer les négociations sur le paquet «Ajustement à l'objectif 55» afin que nous puissions stimuler les énergies renouvelables, économiser l'énergie et finalement abandonner les combustibles fossiles. Il faut qu'il en soit ainsi. Cela implique aussi d'agir pour que notre proposition relative aux salaires minimaux acquière force de loi, pour rendre le travail financièrement attrayant pour tous.
Dans d'autres domaines, nous avons déjà entamé le travail que vous demandez. Le groupe de travail sur la santé, par exemple, a proposé la création d'un espace européen des données de santé, qui faciliterait l'échange transfrontière de données relatives à la santé. Ma Commission a réagi en présentant une proposition à ce sujet la semaine dernière. Et dans les semaines et les mois à venir, nous allons présenter les propositions que vous appelez de vos vœux. Par exemple restaurer la nature, réduire fortement les déchets d'emballages, ou interdire l'entrée sur notre marché européen de produits issus du travail forcé. Sur toutes ces idées à venir, nous examinerons de près vos propositions afin de répondre au mieux à vos demandes.
Sur de nombreux points, nous pouvons agir sans retard. Et cela vaut aussi pour les recommandations qui nous amèneront à prendre de nouvelles mesures. Afin d'assurer un suivi rapide, j'annoncerai les premières nouvelles propositions en réponse à votre rapport dès mon discours sur l'état de l'Union en septembre. Cependant, chers Européens, en plus de tout cela, il nous faudra aller plus loin. Par exemple, j'ai toujours soutenu que le vote à l'unanimité dans certains domaines clés n'a tout simplement plus de sens, si nous voulons être en mesure de progresser plus rapidement. Ou que l'Europe devrait jouer un rôle plus important, par exemple dans les domaines de la santé ou de la défense, après l'expérience des deux dernières années. Et nous devons améliorer le fonctionnement de notre démocratie sur une base permanente. Que ceci soit clair: je serai toujours du côté de ceux qui souhaitent réformer l'Union européenne afin qu'elle fonctionne mieux.
En effet, vous nous avez dit à quel endroit l'Europe doit arriver. À nous maintenant de prendre le chemin le plus direct pour nous y rendre, soit en exploitant au maximum toutes les possibilités que nous offrent les traités — soit, oui, en modifiant ces traités si nécessaire.
Mesdames et Messieurs,
chers Européens,
«La démocratie n'est pas démodée, mais elle doit se renouveler pour continuer à améliorer la vie des gens.» Ce sont les paroles prononcées il y a un an de cela par David Sassoli — un grand Européen qui se tenait ici même, avec vous, cher António Costa, pour lancer cette conférence. Il nous manque beaucoup à tous, et il occupe une place très spéciale dans mon cœur aujourd'hui.
Et je suis fière que des citoyens de toute l'Europe aient donné vie à sa vision d'une démocratie européenne dynamique et moderne. Nous l'avons vue se manifester dans les panels de citoyens nationaux, comme ceux qui se sont tenus partout en France. Et nous l'avons vue se manifester dans les Panels de citoyens européens — de Dublin à Natolin, de Florence à Maastricht. Cette démocratie a réuni des hommes et des femmes qui n'avaient jamais eu cette relation avec l'Europe auparavant. Des histoires différentes, des langues différentes, des identités différentes; mais un avenir partagé qu'il faut continuer à construire ensemble.
Vous avez prouvé que cette forme de démocratie fonctionne. Et je crois fermement que nous devrions lui donner plus d'espace, qu'elle devrait être intégrée dans notre manière d'élaborer les politiques. C'est pourquoi je proposerai qu'à l'avenir, nous accordions aux panels de citoyens le temps et les ressources nécessaires pour formuler des recommandations avant que nous présentions des propositions législatives essentielles. Parce que, j'en suis convaincue, la démocratie ne se résume pas aux élections, aux conférences ou aux conventions. Elle doit être travaillée, entretenue et améliorée chaque jour. Nous l'avons constaté dans ces manifestations participatives qui se sont déroulées dans toute l'Europe. Qu'il s'agisse de débattre de la biodiversité à Varna, de la violence sexiste à Lisbonne ou de la démocratie et de la subsidiarité à Budapest. Et nous l'avons vu, certainement, dans l'image de Linda, cette jeune mère que nous avons vue un peu plus tôt dans cet hémicycle, parlant du futur en tenant dans ses bras son bébé, né à mi-chemin de la Conférence.
Mesdames et Messieurs,
C'est cette image que je veux que nous célébrions le 9 mai. Une image beaucoup plus puissante que n'importe quel défilé militaire parcourant les rues de Moscou au moment où nous parlons. Et je veux que cette image nous rappelle de ne jamais tenir pour acquis ce qu'est l'Europe et ce qu'elle signifie. L'Europe est un rêve. Un rêve qui a toujours été. Un rêve né d'une tragédie.
Mais aujourd'hui, ce rêve brille au plus fort, non seulement ici, dans ce lieu historique. Il brille au plus fort dans les cœurs et les esprits des gens de Kiev et de Kharkiv, d'Odessa et de Marioupol. Il brille au plus fort dans le courage de ces familles et de ces jeunes gens terrés dans les métros et les sous-sols. Il brille au plus fort dans le courage de ceux qui pleurent les atrocités insensées, les violences aveugles commises à Boutcha et à Irpin et dans tous les villages et villes ukrainiens frappés par la guerre. Et il brille au plus fort dans les yeux de tous ces jeunes Ukrainiens qui ont trouvé un refuge en Europe — une maison loin de chez eux. Tous ces gens, mes chers Européens — jeunes et vieux — sont prêts à se battre et à mourir pour leur futur et pour ce rêve d'Europe. Ce rêve qui a toujours été. Ce rêve qui doit être toujours.
Je voudrais terminer mon intervention par un message. Ce matin, j'ai parlé avec le Président Zelenskyy en vidéoconférence. Il tenait à me remettre virtuellement ses réponses au questionnaire de la Commission lié au processus d'adhésion dans lequel il s'est engagé, plus de 5 000 pages en tout. Je tiens donc à adresser un message très spécial à nos amis ukrainiens, à notre famille ukrainienne. Le futur de l'Europe est aussi votre futur. Le futur de notre démocratie est aussi le futur de votre démocratie. Il y a 72 ans, la guerre en Europe a été remplacée par quelque chose de différent, quelque chose de nouveau. D'abord une Communauté, aujourd'hui une Union. C'était le jour où le futur a commencé. C'est un futur que nous écrivons ensemble depuis lors — en tant qu'architectes et bâtisseurs de l'Europe. Et la page suivante, chers amis ukrainiens, est en train d'être écrite par vous. Par nous. Par nous tous ensemble.
Slava Ukraini. Longue vie à l'Europe
Détails
- Date de publication
- 9 mai 2022
- Auteur
- Représentation au Luxembourg