La Commission européenne a rendu les engagements proposés par Vifor juridiquement contraignants en vertu des règles de l'Union en matière de pratiques anticoncurrentielles. Les engagements répondent aux préoccupations de la Commission en matière de concurrence en ce qui concerne le possible dénigrement par Vifor du Monofer, le concurrent le plus proche - et potentiellement le seul concurrent - du Ferinject, le médicament intraveineux à base de fer vedette de Vifor en Europe.
Craintes exprimées par la Commission à titre préliminaire
La Commission a conclu à titre préliminaire que Vifor pourrait occuper une position dominante sur plusieurs marchés nationaux de la fourniture de médicaments intraveineux à base de fer, à savoir en Autriche, en Finlande, en Allemagne, en Irlande, au Portugal, en Roumanie, en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas.
La Commission craint que Vifor ait restreint pendant de nombreuses années la concurrence sur les marchés susmentionnés des traitements intraveineux à base de fer en diffusant des informations potentiellement trompeuses sur la sécurité du Monofer, un traitement contre les carences en fer commercialisé par le concurrent le plus proche de Vifor en Europe, Pharmacosmos. Les messages de Vifor, ciblant principalement les professionnels de la santé, pourraient avoir indûment entravé l'adoption du Monofer dans l'Espace économique européen (EEE). Ils semblent avoir pour but de protéger le Ferinject, le propre médicament vedette de Vifor offrant un traitement intraveineux martial à forte dose, contre la concurrence.
La Commission estime à titre préliminaire que le comportement de Vifor pourrait avoir restreint la concurrence sur le marché des traitements intraveineux à base de fer et constituer un abus de position dominante, en violation de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le «TFUE»).
Les engagements
Pour répondre aux préoccupations préliminaires de la Commission, Vifor a proposé certains engagements. Du 22 avril au 22 mai 2024, la Commission a soumis ces engagements aux acteurs du marché et a consulté tous les tiers intéressés afin de vérifier s'ils élimineraient les problèmes de concurrence qu'elle avait recensés. À la lumière des résultats de cette consultation, Vifor a modifié sa proposition initiale d'engagements et s'est engagée à:
- lancer une campagne de communication complète et multicanaux visant à corriger et à éliminer les effets des messages potentiellement trompeurs diffusés précédemment par Vifor en ce qui concerne la sécurité du Monofer. Vifor s'engage en particulier à: i) diffuser par courrier électronique, par courrier postal et lors de réunions en face-à-face une communication de clarification succincte et factuelle auprès d'un nombre important de professionnels de la santé dans les neuf États membres où la Commission a conclu à titre préliminaire que Vifor pourrait occuper une position dominante; ii) publier une telle communication de manière bien visible sur son site internet; iii) publier une telle communication dans des revues médicales de premier plan dans chacun des États membres concernés; et iv) permettre aux tiers, y compris à Pharmacosmos, d'utiliser une telle communication lorsqu'ils contactent des professionnels de la santé;
- s'abstenir de toute communication promotionnelle et médicale externe, écrite ou orale, sur le profil de sécurité du Monofer qui reposerait sur des informations qui ne sont ni basées sur l'étiquetage du Monofer, ni dérivées d'essais cliniques spécifiquement conçus pour comparer le Ferinject et le Monofer dans l'ensemble de l'EEE;
- mettre en œuvre un certain nombre de mesures et de garde-fous pour garantir la conformité, notamment des mécanismes internes visant à garantir que toutes les communications promotionnelles et médicales externes pertinentes ainsi que le matériel de formation interne sont conformes aux engagements avant leur utilisation, ainsi que des formations internes annuelles du personnel et un système de certification de conformité.
La Commission a conclu que les engagements définitifs de Vifor répondraient à ses préoccupations en matière de concurrence en ce qui concerne le risque de dénigrement du Monofer par Vifor. Elle a par conséquent décidé de les rendre juridiquement contraignants pour Vifor.
La mise en œuvre des engagements proposés par Vifor sera contrôlée par un mandataire désigné par cette dernière, et durera pendant 10 ans.
Contexte
Le fer aide à produire des globules rouges sains qui font circuler l'oxygène dans l'ensemble du corps. Les carences en fer sont assez courantes, en particulier chez les femmes et les personnes souffrant de maladies inflammatoires chroniques, de cancers et de pertes de sang (par exemple, après un accident ou pendant une intervention chirurgicale). Dans les cas graves, les carences en fer peuvent entraîner de graves complications, telles que des défaillances cardiaques, des problèmes pulmonaires, des complications de grossesse, ainsi qu'un faible développement cognitif et moteur chez l'enfant. Il s'agit d'une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde entier.
Les médicaments à base de fer intraveineux à forte dose de Vifor Pharma (Ferinject) et de Pharmacosmos (Monofer) sont indiqués dans le traitement des carences en fer lorsque, par exemple, les préparations orales sont inefficaces ou ne peuvent pas être utilisées.
Vifor est une entreprise pharmaceutique mondiale appartenant au groupe de biotechnologie CSL qui met au point, fabrique et commercialise à l'échelle mondiale des produits pharmaceutiques pour le traitement des carences en fer, en néphrologie et pour les thérapies cardio-rénales. Pharmacosmos, une entreprise pharmaceutique familiale danoise, est spécialisée dans le traitement des problèmes de carence en fer.
La Commission a ouvert une enquête formelle sur le comportement de Vifor en juin 2022, à la suite d'une plainte déposée auprès de la Commission par Pharmacosmos. En février 2024, Vifor et Pharmacosmos ont conclu un accord commercial confidentiel à ce sujet, lequel a été pris en considération par la Commission dans sa décision d'envisager la procédure relative aux engagements en l'espèce. En avril 2024, la Commission a adopté une évaluation préliminaire résumant les principaux faits de l'affaire et recensant les problèmes de concurrence préliminaires.
L'article 102 du TFUE, qui peut également être appliqué par les autorités nationales de concurrence, interdit les abus de position dominante qui sont susceptibles d'affecter les échanges dans l'UE et d'empêcher ou de restreindre la concurrence. La mise en œuvre de cette disposition est définie dans le règlement n° 1/2003.
L'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 permet aux entreprises visées par une enquête de la Commission de proposer des engagements afin de répondre aux préoccupations de la Commission et habilite celle-ci à rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises. En application de l'article 27, paragraphe 4, dudit règlement, la Commission, avant d'adopter une telle décision, doit donner aux tiers intéressés la possibilité de présenter leurs observations sur les engagements proposés.
S'il ressort de la consultation des acteurs du marché que les engagements constituent une réponse satisfaisante à ses préoccupations en matière de concurrence, la Commission pourrait adopter une décision rendant les engagements juridiquement contraignants pour l'entreprise concernée. Sans conclure à l'existence d'une infraction aux règles de l'Union en matière de pratiques anticoncurrentielles, une telle décision contraindrait juridiquement cette entreprise à se conformer aux engagements offerts.
Si l'entreprise concernée contrevenait à ces engagements, la Commission pourrait lui infliger une amende pouvant aller jusqu'à 10 % de son chiffre d'affaires annuel total, sans avoir à prouver l'existence d'une violation des règles de concurrence de l'Union, ou une astreinte de 5 % par jour de son chiffre d'affaires quotidien pour chaque jour de non-respect.
Il s'agit de la deuxième enquête de la Commission sur de possibles pratiques abusives concernant le dénigrement à des fins d'éviction de produits concurrents dans le secteur pharmaceutique. En octobre 2022, la Commission a adressé une communication des griefs à Teva au sujet d'un recours abusif au système de brevet et du dénigrement d'un médicament concurrent contre la sclérose en plaques en vue d'entraver son entrée et sa pénétration sur le marché.
Pour en savoir plus
De plus amples informations, dont le texte intégral de la décision de ce jour concernant les engagements et la version intégrale de ces engagements, seront également disponibles sur le site web de la Commission consacré à la concurrence, dans le registre public des affaires de concurrence, sous le numéro AT.40577.
Citation(s)
Les carences en fer sont un problème de santé qui touche des millions de personnes dans toute l’Europe. L’accès à des médicaments sûrs, efficaces et abordables est donc essentiel. Vifor s’est engagée à annuler les effets de ses communications potentiellement trompeuses sur la sécurité du médicament concurrent le plus proche destiné à un traitement intraveineux à base de fer. La décision prise aujourd’hui rend ces engagements juridiquement contraignants pour Vifor et rétablit des conditions de concurrence équitables au bénéfice des consommateurs.
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence
Détails
- Date de publication
- 22 juillet 2024
- Auteur
- Représentation au Luxembourg