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Représentation au Luxembourg
  • Discours
  • 16 février 2022
  • Représentation au Luxembourg
  • 7 min de lecture

Les relations UE-Russie, sécurité européenne et menace militaire de la Russie contre l'Ukraine

Participation of Ursula von der Leyen, President of the European Commission, in the plenary session of the European Parliament

"Seul le texte prononcé fait foi"

Merci, Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les Députés,

La raison même pour laquelle notre Union a été créée est la volonté de mettre fin à toutes les guerres en Europe. C'est pourquoi il m'est particulièrement douloureux de devoir m'adresser ainsi à vous aujourd'hui, alors que nous sommes confrontés au plus grand rassemblement de troupes sur le sol européen depuis les jours les plus sombres de la Guerre froide. Les Ukrainiens s'efforcent courageusement de poursuivre le cours de leur existence. Mais beaucoup d'entre eux gardent près de leur porte d'entrée un sac de première nécessité, contenant quelques vêtements et leurs documents importants, au cas où ils devraient fuir leur domicile. D'autres ont constitué des réserves de boîtes de conserve pour se préparer au pire. Certains ont même créé un abri dans leur cave. Ce ne sont pas des histoires datant des années 1940. C'est l'Europe de 2022. Et c'est le résultat d'une politique délibérée des dirigeants russes. L'Ukraine est un pays souverain, qui fait ses propres choix pour son avenir. Cela ne plaît pas au Kremlin, qui fait dès lors peser une menace de guerre. Voilà l'essence de l'escalade actuelle. Et en dépit des signaux d'espoir que nous avons reçus hier, c'est là quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas accepter.

Ces sept dernières années, l'Ukraine a subi les agressions constantes du Kremlin. En dépit de ce lourd fardeau, elle a parcouru un incroyable chemin. Elle a pris d'importantes mesures pour combattre la corruption, reconstruit ses infrastructures et créé de nouveaux emplois pour sa talentueuse jeunesse. Notre Union a accompagné l'Ukraine dans ce processus, en mettant à sa disposition le plus grand train de mesures d'aide de notre histoire. Les Ukrainiens sont évidemment conscients que leur démocratie pâtit encore de certaines lacunes et doit encore résoudre certains problèmes. Mais l'Ukraine est aujourd'hui un pays plus fort, plus libre et plus souverain qu'il ne l'était en 2014. Et c'est précisément pour cette raison que le Kremlin la menace de nouveau.

Nous nous tenons résolument aux côtés de l'Ukraine. Nous n'acceptons tout simplement pas que le Kremlin décide de ce que les Ukrainiens ont le droit, ou non, de désirer. Le concept de sphères d'influence est un fantôme du siècle passé. Cette crise concerne l'Ukraine au premier chef – mais pas seulement. Il en va de ce que signifie être un État souverain, indépendant et libre au 21e siècle. Il en va du droit de chacun de vivre libéré de la peur. Il en va du droit de chaque pays de choisir son avenir.

Comme vous tous ici présents, j'espère sincèrement que le Kremlin décidera de ne pas déclencher de nouvelles violences en Europe. Hier, la Russie a assurément envoyé des signaux contradictoires. D'un côté, les autorités ont annoncé le retrait de troupes russes. De l'autre, la Douma a voté la reconnaissance officielle de Donetsk et Louhansk en tant que républiques indépendantes. La voie diplomatique n'est pas encore épuisée. L'engagement pris hier envers l'accord de Minsk est une bonne chose. Le Président Macron et le Chancelier Scholz se sont rendus à Kiev et à Moscou. Plusieurs autres dirigeants discutent également avec les deux parties. Je suis moi-même en échange constant avec tous, ainsi qu'avec le Président Biden, le Premier ministre Trudeau et le Premier ministre Johnson. Cela faisait longtemps que la communauté transatlantique n'avait été aussi unie. Permettez-moi de vous en relater simplement un épisode récent.

Au début du mois, le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, a envoyé 36 lettres, une à chacun des États membres de l'Union européenne et une à chacun de nos alliés de l'OTAN, avec toute une série de revendications. En réponse, il a reçu deux lettres: l'une de Josep Borrell au nom de l'Union européenne et l'autre de Jens Stoltenberg au nom de l'OTAN. Une fois de plus, le gouvernement russe a tenté de nous diviser. Mais sa tentative a échoué. L'Union européenne et ses partenaires transatlantiques sont unis dans cette crise. Et notre message à la Russie est on ne peut plus clair: n'optez pas pour la guerre. La voie de la coopération demeure possible entre la Russie et nous. Mais restons vigilants. Malgré l'annonce d'hier, l'OTAN n'a pas encore constaté de signes indiquant une réduction des forces russes. Et si le Kremlin opte pour la violence contre l'Ukraine, notre réponse sera forte et unie. La Commission européenne et le SEAE ont collaboré étroitement, avec tous les États membres, pour préparer un ensemble solide et complet de sanctions potentielles. Nous avons aussi travaillé en étroite coordination avec nos amis aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada. Laissez-moi vous dire qu'au cours des dernières semaines, nous avons fait preuve d'une volonté commune réellement remarquable, tant au sein de l'UE qu'avec nos partenaires. En cas d'agression russe, la réaction de l'Europe sera rapide et ferme. Et il ne s'agira pas seulement de gel des avoirs et d'interdictions de voyager visant des citoyens russes. L'intérêt stratégique de la Russie est de diversifier son économie unilatérale et de combler ses lacunes actuelles. Mais pour cela, elle a besoin de technologies dans lesquelles nous jouons un rôle de premier plan au niveau mondial. De composants de pointe, pour lesquels la Russie dépend presque entièrement de nous. Nos sanctions peuvent faire très mal, et le Kremlin le sait parfaitement.

Nous sommes également prêts au cas où les dirigeants russes décideraient d'utiliser l'énergie comme une arme. En cette période de forte demande, Gazprom est en train de limiter ses livraisons de gaz vers l'Europe. Des réserves au plus bas niveau depuis dix ans, pas de ventes sur le marché au comptant. Ce comportement a déjà porté atteinte à la crédibilité de la Russie en tant que fournisseur d'énergie fiable. Nous sommes actuellement en pourparlers avec un certain nombre de pays qui sont prêts à intensifier leurs exportations de gaz naturel liquéfié vers l'UE. Il en a résulté, en janvier, des livraisons record de GNL — plus de 120 navires et 10 milliards de mètres cubes de GNL. En outre, depuis l'annexion de la Crimée, nous avons construit davantage de terminaux GNL. Nous avons renforcé notre réseau paneuropéen de gazoducs et d'interconnexions électriques. L'avantage, c'est que ces investissements dans les infrastructures constitueront la future épine dorsale de l'approvisionnement en hydrogène vert. Durant ces dernières semaines, nous avons examiné tous les scénarios de rupture possibles, pour le cas où la Russie déciderait d'interrompre partiellement ou complètement l'approvisionnement en gaz de l'UE. Et je peux vous dire que d'après nos modèles, nous sommes désormais plutôt en sécurité cet hiver. En outre, nous avons également élaboré, avec les États membres, un nouvel ensemble de mesures d'urgence, que nous pourrions déclencher en cas de rupture totale des livraisons. Néanmoins, l'une des leçons que nous pouvons déjà tirer de cette crise est que nous devons diversifier nos sources d'énergie, nous libérer de notre dépendance au gaz russe et investir massivement dans les sources d'énergie renouvelables. Elles sont propres, bénéfiques pour la planète, produites localement et bonnes pour notre indépendance.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Cette crise a été déclenchée par Moscou. Nous n'avons pas choisi la confrontation, mais nous sommes prêts à y répondre. Deux avenirs possibles s'offrent désormais à nous. Dans l'un des deux, le Kremlin décide de mener une guerre contre l'Ukraine, ce qui aura un coût humain considérable, une chose que nous pensions avoir laissée derrière nous après les tragédies du XXe siècle. Nos relations avec Moscou s'en trouveraient gravement détériorées. Des sanctions sévères seraient prises, ce qui aurait des conséquences désastreuses sur l'économie russe et sur ses perspectives de modernisation. Mais un autre avenir est possible. Un avenir où la Russie et l'Europe coopèrent sur la base de leurs intérêts communs. Un avenir où des pays libres travaillent ensemble, en paix. Un avenir de prospérité fondé sur le respect des principes fondamentaux inscrits dans la charte des Nations unies, et dans l'architecture européenne de sécurité depuis l'acte final d'Helsinki. Telle est mon aspiration. Et je suis convaincue que le peuple russe partage lui aussi cette aspiration. Maintenant, c'est au Kremlin de décider. Quelle que soit la voie qu'il choisira, nous ferons face. L'Europe restera unie, aux côtés de l'Ukraine, du côté de la paix, aux côtés du peuple européen.

Longue vie à L'Europe.

Détails

Date de publication
16 février 2022
Auteur
Représentation au Luxembourg