Mesdames, Messieurs,
Le Collège a adopté aujourd'hui le rapport sur l'élargissement. Voici maintenant dix ans, les manifestations commençaient sur la place du Maïdan. Et lors de ces manifestations du Maïdan, des gens ont été abattus pour s'être enroulés dans un drapeau européen. Dix ans plus tard c'est un jour historique qui marque le calendrier, car la Commission recommande aujourd'hui au Conseil d'ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie. La Commission recommande également l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE avec la Bosnie-Herzégovine une fois que le degré nécessaire de conformité avec les critères d'adhésion aura été atteint. La Commission recommande également au Conseil d'accorder à la Géorgie le statut de pays candidat, étant entendu qu'il appartiendra à ce pays de prendre certaines mesures de réforme.
Permettez-moi de me focaliser sur ces quatre pays. Tout d'abord, l'Ukraine. L'Ukraine continue de faire face à d'immenses difficultés et à la tragédie provoquées par la guerre d'agression menée par la Russie. Pourtant, les Ukrainiens ont entrepris de réformer profondément leur pays, alors même qu'ils luttent dans une guerre qui est pour eux existentielle. L'Ukraine a adopté (j'y étais le week-end dernier et j'en ai été convaincue) plus de 90 % des mesures nécessaires que nous avons présentées l'an dernier dans notre rapport. Pour vous donner une idée: des progrès essentiels ont été accomplis en ce qui concerne la réforme constitutionnelle de la justice, la sélection du Conseil supérieur de la justice et le programme de lutte contre la corruption; des progrès ont été réalisés dans la lutte contre le blanchiment d'argent, des mesures importantes ont été prises pour endiguer l'emprise des oligarques sur la vie publique; des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la nouvelle loi sur les médias et sur la question des minorités nationales. Quant aux réformes qui restent à effectuer, elles sont déjà en cours. Cela va dans le bon sens et la Commission salue tous ces efforts. Compte tenu de ces éléments, nous avons recommandé aujourd'hui au Conseil d'ouvrir les négociations d'adhésion. Nous recommandons également au Conseil d'adopter un cadre de négociation une fois que l'Ukraine aura mené à bien les réformes en cours. Nous présenterons un rapport au Conseil sur ce point d'ici à mars 2024.
La Moldavie n'est pas engagée dans une guerre cinétique, mais elle fait face à de constantes tentatives de déstabilisation visant son fonctionnement démocratique. Elle souffre également des conséquences de la guerre en Ukraine. La Moldavie accueille un grand nombre de réfugiés ukrainiens. La Moldavie subit des perturbations et un chantage visant son secteur énergétique. Mais, comme l'Ukraine, la Moldavie a entrepris d'importants efforts de réforme, par exemple dans le domaine judiciaire. Elle a considérablement intensifié les travaux d'investigation liés à la corruption et à la criminalité organisée. Elle a apporté des modifications législatives visant à lutter contre les intérêts particuliers. Ici aussi, la Commission recommande au Conseil d'ouvrir les négociations d'adhésion. Certaines mesures doivent encore être menées à bien. Lorsque ce sera fait, le Conseil pourrait, ici aussi, finaliser le cadre de négociation. En 2024, la Commission présentera au Conseil un rapport d'avancement.
En ce qui concerne maintenant la Bosnie-Herzégovine, nous constatons qu'un certain nombre de mesures positives ont été prises en matière politique et juridique. Citons, par exemple, la rapide entrée en fonction d'un nouveau Conseil des ministres en janvier 2023: l'engagement des partis politiques en faveur de l'objectif d'adhésion a indubitablement porté ses fruits. Des progrès ont été accomplis, notamment, dans la lutte contre la criminalité organisée, le blanchiment d'argent et le terrorisme. Nous sommes cependant préoccupés de constater que plusieurs dispositions anticonstitutionnelles ont été adoptées par les représentants de la Republika Srpska. Dans ce contexte, la Commission recommande au Conseil d'ouvrir des négociations d'adhésion une fois que le degré nécessaire de conformité avec les critères d'adhésion aura été atteint. Ici aussi, la Commission présentera au Conseil, d'ici à mars 2024, un rapport sur les progrès réalisés.
Enfin, en ce qui concerne la Géorgie, le Collège soutient pleinement les vibrantes aspirations de l'écrasante majorité des citoyens de ce pays à adhérer à l'Union européenne. Ces aspirations doivent être mieux prises en compte par les autorités, qui devraient dialoguer davantage avec l'opposition et la société civile sur des questions d'intérêt national. De même, il convient que le gouvernement avance encore sur les douze priorités recensées l'an dernier avant que le statut de candidat puisse être accordé. Cela dit, la Commission constate aussi qu'un certain nombre de mesures positives ont été prises. À titre d'exemple, le contrôle de l'opposition sur les travaux parlementaires a été renforcé, un plan d'action pour le démantèlement des oligarchies a été adopté, l'approche personnalisée a été abandonnée et un Bureau de lutte contre la corruption a été mis en place. Par conséquent, la Commission recommande d'accorder à la Géorgie le statut de pays candidat, étant entendu qu'il appartiendra au gouvernement de prendre d'importantes mesures de réforme.
Sur un plan plus général, je dirai pour conclure que l'élargissement est une politique vitale pour l'Union européenne. C'est le principal message que je porte depuis le début de mon mandat. L'achèvement de notre Union, c'est l'appel de l'histoire, l'horizon naturel de l'Union européenne. Les citoyens des pays qui souhaitent y adhérer sont des Européens, tout comme ceux de l'Union d'aujourd'hui. Parce que nous savons tous que nous sommes liés: par la géographie, par l'histoire et par des valeurs communes. L'achèvement de notre Union répond donc aussi à une puissante logique économique et géopolitique. Il suffit de se pencher sur l'histoire des derniers élargissements pour voir les avantages considérables qu'ils ont apportés, tant aux pays accédants qu'à l'Union européenne elle-même. En un mot, nous y sommes tous gagnants. Comme vous pouvez le constater, les nouveaux membres de l'Union, leurs citoyens et leurs entreprises, accèdent à nos quatre libertés et à notre marché unique; les citoyens peuvent voyager; les entreprises gagnent de nouveaux marchés. Tout cela constitue un puissant levier de prospérité et, partant, de stabilité dans ces pays.
Mais, pour l'Union européenne elle-même, les avantages sont aussi manifestes et impressionnants. L'expansion de notre marché unique permet à nos entreprises de réaliser des économies d'échelle, accroît notre compétitivité et renforce dès lors notre marché unique. L'histoire de notre élargissement est celle d'une réussite économique sans précédent. Et quant à l'attractivité mondiale de l'Union européenne, l'élargissement n'a fait que la renforcer. Sans oublier, bien entendu, qu'il a aussi accru notre poids en tant que partenaire commercial. Par exemple, l'achat groupé de gaz à 27 fait une énorme différence pour le succès de nos actions dans ce domaine. L'élargissement constitue également un investissement dans notre sécurité. En effet, l'intégration de nouveaux membres dans l'Union européenne les protège aussi de toute ingérence étrangère, ce qui a pour effet de stabiliser notre voisinage. À l'heure où, sous nos yeux, l'ordre international fondé sur des règles subit de croissantes remises en question, une Union européenne plus large et plus robuste renforce notre voix dans le monde. En résumé, l'élargissement est une occasion unique, tant pour les pays qui aspirent à adhérer à l'Union européenne que, bien sûr, pour nous-mêmes. C'est un moteur de la paix et de la prospérité qui font toute la singularité de notre Union.
Je vous remercie de votre attention.
Détails
- Date de publication
- 8 novembre 2023
- Auteur
- Représentation au Luxembourg