Aujourd'hui, la Commission propose une nouvelle législation visant à prévenir et à combattre le trafic de migrants. Lors de la conférence internationale organisée aujourd'hui à Bruxelles, la Commission a également lancé un appel à l'action en faveur d'une alliance mondiale pour lutter contre le trafic de migrants.
Ces deux actions font suite au discours sur l'état de l'Union de 2023 de la présidente von der Leyen, à l'occasion duquel elle a appelé à renforcer tous les outils dont dispose l'UE pour lutter efficacement contre le trafic de migrants, en mettant à jour le cadre législatif de plus de 20 ans, en renforçant le rôle des agences de l'UE, en particulier d'Europol, et en intensifiant la coopération avec les pays partenaires pour s'attaquer à ce problème à l'échelle mondiale. Ensemble, ces initiatives définissent le nouveau cadre juridique, opérationnel et international de coopération contre le trafic de migrants pour les années à venir.
Le trafic de migrants est une activité criminelle menée au mépris de la vie humaine et de la dignité de la personne, afin d'en tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel. Les réseaux de passeurs tirent des bénéfices considérables de leurs activités criminelles, se situant entre 4,7 et 6 milliards d'euros par an dans le monde. Les modes opératoires des réseaux de passeurs évoluent rapidement, s'adaptant aux circonstances et aux réactions des autorités nationales. C'est pourquoi la Commission intensifie ses efforts pour lutter contre cette criminalité à l'échelle mondiale.
Un cadre législatif européen moderne et solide
La Commission propose d'améliorer son cadre législatif en établissant des règles minimales visant à prévenir et à combattre l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers dans l'UE, avec les cinq objectifs suivants:
- poursuivre efficacement les réseaux criminels organisés: une définition plus claire de l'infraction de trafic de migrant doit mettre l'accent sur les activités motivées par la recherche d'un avantage financier ou matériel, ou sur leur nature hautement susceptible de nuire gravement aux personnes. Sera également érigée en infraction pénale l'incitation publique à se rendre dans l'UE sans autorisation. Le trafic de migrants faisant l'objet d'une publicité au moyen d'outils numériques et de médias sociaux entre dans cette catégorie.
- infliger des sanctions harmonisées reflétant la gravité de l'infraction: les cas d'infractions aggravées — ayant causé la mort d'une ou de plusieurs personnes — seront passibles d'une peine d'emprisonnement dont le plafond ne pourra être inférieur à 15 ans, ce qui est supérieur aux 8 années que prévoit actuellement la législation européenne.
- améliorer la portée juridictionnelle: la compétence des États membres s'appliquera également, par exemple, lorsque les navires font naufrage dans les eaux internationales et que des personnes décèdent. Cette compétence des États membres est également étendue à d'autres situations, y compris les infractions commises à bord de navires ou d'aéronefs immatriculés dans les États membres et celles qui sont commises par des personnes morales exerçant des activités commerciales dans l'UE. L'objectif est de cibler spécifiquement les réseaux criminels. Les activités telles que l'assistance humanitaire fournie par des ONG exerçant une obligation légale de recherche et de sauvetage, l'aide apportée par des membres de la famille et les migrants eux-mêmes, ne doivent pas relever de sanctions pénales.
- renforcer les ressources et les capacités des États membres: les États membres devraient allouer des ressources suffisantes à leurs autorités nationales pour leur permettre d'assurer une prévention, de mener des enquêtes et d'engager des poursuites de manière efficace à l'encontre des passeurs. Ils devraient également œuvrer à la prévention du trafic de migrants, en organisant des campagnes d'information et de sensibilisation, et par des programmes de recherche et d'éducation.
- améliorer la collecte et la communication de données: les États membres seront tenus de collecter et de communiquer chaque année des données statistiques pour améliorer la portée, la détection des cas et la réaction face au trafic de migrants.
En outre, la Commission propose un règlement visant à renforcer le rôle d'Europol et la coopération interservices dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains. Ces mesures se fondent sur les réalisations de l'actuel centre chargé de lutter contre le trafic de migrants, qui compte déjà 83 task forces opérationnelles et des saisies pour 1,2 milliard d'euros depuis qu'il a été institué en 2016. Le rôle du Centre sera désormais porté à une véritable dimension européenne dans des domaines stratégiques:
- Le renforcement de la coordination au niveau de l'UE: le Centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants sera renforcé et bénéficiera du soutien des États membres, d'Eurojust, de Frontex et de la Commission. Il suivra les tendances en matière de trafic de migrants et de traite des êtres humains, produira des rapports annuels, des analyses stratégiques, des évaluations de la menace et des mises à jour de la situation, et sera chargé des mesures d'enquête et opérationnelles.
- La coopération interservices: les effectifs du centre seront soutenus par des officiers de liaison des États membres, ainsi que par Eurojust et les officiers de liaison d'Eurojust et de Frontex, qui devraient être détachés auprès d'Europol.
- L'amélioration de la collecte d'informations: l'obligation des États membres de partager avec Europol des informations sur le trafic de migrants et la traite des êtres humains sera renforcée. Le déploiement d'Europol peut déjà avoir lieu dans des pays tiers. Le nouveau Centre recensera les cas de trafic de migrants susceptibles de nécessiter une coopération avec des pays tiers, y compris moyennant l'échange au cas par cas de données à caractère personnel.
- Le renforcement des ressources: les États membres devront désigner des services spécialisés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, et relier ces services à l'application de réseau d'échange sécurisé d'informations (SIENA).
- Le renforcement du soutien à Europol par le déploiement d'effectifs: le règlement met à jour la législation actuelle en y intégrant les notions de task force et les déploiements d'Europol à des fins de soutien opérationnel. Ces outils avancés de coordination et de soutien analytique, opérationnel, technique et médico-légal aux États membres ont déjà été mis en œuvre avec succès par Europol. Une réserve d'experts nationaux, à laquelle Europol pourra immédiatement avoir accès pour les déploiements dans les États membres, sera également créée.
Pour atteindre ces objectifs, la Commission propose par ailleurs d'accroître les ressources financières et humaines d'Europol.
Lancement d'un appel à l'action en faveur d'une alliance mondiale pour lutter contre le trafic de migrants
Il faut protéger les migrants contre le fait de faire l'objet d'un trafic. Le modèle économique en constante évolution des passeurs doit être brisé et les réseaux transnationaux de criminels devraient être démantelés au moyen d'actions éclairées, décisives et coordonnées des services répressifs et judiciaires. L'appel lancé ce jour, à agir en faveur d'une alliance mondiale, est essentiel pour unir nos forces afin de prévenir la migration irrégulière, d'y répondre et de lui trouver des alternatives, notamment en remédiant aux causes profondes de la migration irrégulière et en facilitant l'accès aux voies d'entrée légales.
Les travaux relatifs au présent appel à l'action se poursuivront dans un cadre établi par la Commission, en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes à l'échelle mondiale pour lesquelles elle sera un point de contact. La Commission réunira des groupes d'experts techniques qui compteront des représentants des institutions de l'UE, des agences, des États membres, des pays partenaires, des organisations internationales et d'autres parties prenantes.
Prochaines étapes
La proposition de la Commission relative à une législation dans ce domaine va à présent être négociée par le Parlement européen et le Conseil.
La Commission veillera à ce que l'alliance mondiale pour lutter contre le trafic de migrants œuvre aux niveaux bilatéral et multilatéral ainsi que dans le cadre des travaux de l'ONUDC. Un bilan régulier au niveau politique sera réalisé, le premier évènement étant prévu à Copenhague au printemps 2024. La conférence sera la première occasion de ce type de faire le point sur les réalisations de l'alliance mondiale.
Contexte
Les réseaux criminels exploitent le désespoir des personnes et ces agissements aboutissent souvent à des pertes de vies humaines. Les passeurs de migrants entassent des centaines de personnes dans des embarcations impropres à la navigation, ce qui a entraîné de lourdes pertes humaines depuis 2014, puisque plus de 28 000 personnes se sont noyées ou ont disparu en Méditerranée. Les principaux bénéficiaires de ce lourd tribut sont les criminels, les réseaux de passeurs dans les pays d'origine, de transit et de destination.
Le cadre législatif actuellement en vigueur est le «train de mesures relatives aux passeurs» de 2002. Dans le cadre du «train de mesures relatives aux passeurs», quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d'un État membre à pénétrer sur le territoire d'un État membre ou à transiter par le territoire d'un tel État ou encore, dans un but lucratif, à séjourner sur le territoire d'un État membre, doit faire l'objet de sanctions, à moins qu'elle n'agisse pour des raisons humanitaires.
Pour en savoir plus
Appel à l'action//Alliance mondiale
Site web de la DG HOME sur le trafic de migrants
Citation(s)
Le trafic de migrants est devenu une entreprise de plusieurs milliards d’euros et constitue l’un des défis les plus urgents et les plus brutaux de notre époque. Au sein de l’UE, nous devons prendre des mesures pour faire en sorte que ce crime odieux soit dûment et uniformément érigé en infraction pénale. Dans le même temps, nous devons placer au niveau mondial nos efforts pour lutter contre le phénomène du trafic de migrants et travailler main dans la main avec nos partenaires pour restreindre le périmètre d’action des passeurs.
Margaritis Schinas, vice-président chargé de la promotion de notre mode de vie européen - 28/11/2023
La présente législation permettra à Europol de jouer un rôle central dans la lutte contre le trafic de migrants, en identifiant les tendances, en échangeant des données et en effectuant des déploiements sur le terrain. Ses effectifs collaboreront plus étroitement avec les agences de l’UE, Frontex, Eurojust et avec les autorités des États membres. Notre proposition permettra également d’accroître la sévérité des sanctions et de disposer d’une définition plus stricte de l’infraction de trafic de migrants. Nous intensifions la lutte contre le trafic de migrants et nous protégeons les personnes contre le fait de tomber entre les mains de criminels. Ces mesures visent les passeurs, et non les personnes qui font l’objet de leur trafic.
Ylva Johansson, commissaire aux affaires intérieures - 28/11/2023
Détails
- Date de publication
- 28 novembre 2023
- Auteur
- Représentation au Luxembourg